Retour sur l’atelier Qc/Ca XR – Mutek du 23 août 2019
Ce vendredi 23 août, à la suite de la 5ème édition du Forum Mutek IMG, s’est tenu le premier atelier de discussionS sur la XR, co-organisé avec l’initiative Québec/Canada XR.
En compagnie d’une vingtaine de créateurs, producteurs et réalisateurs de la scène de la réalité virtuelle et augmentée québécoise, et animée par Audrey Pacart, productrice indépendante, la journée s’est déroulée selon le programme suivant :
- Tour de table et présentation de Québec/Canada XR (vous pouvez retrouver notre mission et nos actions sur notre page À propos);
- Décortiquer les différentes stratégies/possibilités de financement d’un projet de contenu d’auteur XR;
Les enjeux de distribution et diffusion; et QUÉBEC/CANADA XR et développement.
Introduction
Quelques questions sont posées au départ : Comment travailler ensemble ? Comment les créateurs d’expériences XR d’auteur peuvent (et doivent) se rassembler pour travailler ? Comment réussir à financer des projets d’auteur ? Les projets d’auteur sont-ils une réalité pour la plupart des créateurs ou pas ?
À priori, les participants s’accordent pour dire que les financements sont des modèles qui viennent du cinéma et de la télé. Aujourd’hui, on finance les projets grâce à des financements publics, les crédits d’impôt et coproductions. Mais y aurait-il d’autres idées pour des modèles de financement/d’affaires alternatifs ? Pour répondre à ce sujet, nous avons discuté de plusieurs modes opératoires : la co-production, les financements publics et leurs limites, et l’avenue des financements privés. Les discussions, animées, ont permis de glisser sur les différentes stratégies/possibilités de financement d’un projet de contenu d’auteur XR.
COPRODUCTIONS :
Nos invités internationaux mentionnent que Montréal est un petit écosystème, mais fortement lié à l’Europe, ce qui pourrait être une alternative intéressante pour des co-productions.
Co-produire avec les entreprises de Toronto, proche géographiquement, permettrait de profiter de l’industrie technique de pointe, notamment grâce à des services qui n’existent pas au Québec, par exemple des studios de motion capture de grande qualité, comme celui d’Ubisoft. Travailler avec les autres provinces permet également de croiser les financements, grâce à Interactive Ontario par exemple.
Les participants ont discuté sur le fait de devoir composer avec des financements provinciaux/fédéraux et leurs règles précises, dont le besoin d’être une entreprise de production pour bénéficier des programmes d’aide, alors que la plupart des talents dans le domaine de la XR sont des créateurs indépendants. Il serait ainsi plus facile pour une entreprise qui se désigne comme “fournisseur de services” de se constituer en tant qu’entreprise de production pour avoir accès aux financements propres à la production.
On critique également les coproductions internationales qui semblent se produire principalement pour l’utilisation des services (techniques) au Québec, sans intérêt pour la création d’oeuvres québécoises. Il faudrait pourtant renverser cette tendance et mettre de l’avant les créateurs québécois, grâce à des financements dignes de ce nom, mais aussi une visibilité accrue.
LES FINANCEMENTS PUBLICS : enjeux
- Enjeu 1 : Absence d’un programme pour l’écriture d’oeuvres XR au Québec, et l’exigence des programmes de bourses d’avoir des détails sur la stratégie de distribution et la date de lancement, le tout réduisant le temps accordé au développement (recherche/écriture) des projets. Ce programme pourrait également – et, surtout, à la vue de son budget – financer la production des prototypes, nécessaires à la validation des oeuvres par le public, les pairs et le marché.
- Enjeu 2 : Des modèles de financement des jeux vidéos et du cinéma ont servi de base pour les financements de la XR. Cependant, les studios (fournisseurs de services) peuvent « assurer » un (certain) retour sur investissement, au contraire des producteurs de contenu, même s’ils ont été récompensés plusieurs fois.
- Enjeu 3 : Il n’y a pas un fonds spécifique pour la XR. La XR est associée aux courts métrages (SODEC) ou aux jeux vidéo (dans le volet expérimental du FMC). Les pré-requis et critères d’admissibilité ne sont donc pas les “mêmes” pour les différents types de créations.
Certains producteurs ont accès au financement du CAC, car ils ont déjà bénéficiés d’une aide à la création auparavant, ce qui les rend admissibles. Cela dépend beaucoup du type de créations réalisées : ce seront peut-être des créations plus expérimentales, par exemple.
- Enjeu 4 : S’il n’y a pas de fonds spécifique, est-ce possible de concilier les programmes de financement existants (FMC/SODEC/CAC) afin d’obtenir un montant plus proche de celui demandé par le créateur?
- Enjeu 5: Un modèle de financement qui fonctionne à l’envers : les créateurs doivent produire ce qui est demandé par les institutions de financement, et, ensuite seulement, on cherche le public potentiellement intéressé par cette création. Cela oblige les entreprises de production à se repositionner constamment pour être admissibles aux fonds. Il faudrait nécessairement commencer par l’inspiration du créateur et/ou ce que le public veut voir pour que les créations aient une réelle valeur ajoutée.
- Enjeu 6 : Les fonds au Québec se concentrent essentiellement sur l’innovation technologique au lieu de mettre en valeur/évidence la création artistique.
- Enjeu 7 : Comment s’émanciper des autres médias ? Malgré l’émergence des fonds de médias convergents, ce sont toujours les producteurs de cinéma et télévision qui bénéficient des Propriétés Intellectuelles.
- Enjeu 8 : Chercher du financement requiert beaucoup de temps. Le financement public pourrait ainsi en quelque sorte nuire au rayonnement de œuvres. Notons le cas des États-Unis, par exemple, où il y a une promotion très forte des créations. Les producteurs étrangers peuvent également devenir frileux de s’associer avec d’autres producteurs québécois, pour des raisons d’apparente lourdeur administrative.
- Enjeu 9 : On se permet de demander si la langue française est perçue comme une barrière. Le coût pour la production des versions locales est importante et souvent nécessaire (voire obligatoire) pour les productions québécoises.
- Enjeu 10 : Le jury des programmes d’aide. Il y a un manque de spécialistes, notamment concernant le contenu, disponibles dans le comité évaluateur pour juger les projets. Les grilles d’évaluation actuelles limitent la compréhension des projets.
- Enjeu 11 : La terminologie : prototype, narratif, court, numérique, etc. sont des termes galvaudés qui requièrent de meilleures définitions dans les programme de financement, afin de se mettre en phase avec les besoins actuels du milieu. En effet, lorsqu’on demande un prototype, parle-t-on d’un “flow”, de mouvements de caméra ou d’une production avec un aspect fini, avec toutes les interactions fonctionnelles, etc. ?
- Enjeu 12 : Les plans d’affaires présentés par les producteurs dans les demandes sont-ils solides ?
Rappel des programmes existants pour supporter les créations numérique (notamment en XR):
- Programme de la SODEC (cinéma et télévision)
- Programme du FMC (volet expérimental – programme d’expérimentation)
LE FINANCEMENT PRIVÉ : une possibilité ?
Le financement privé a un modus operandi plus accéléré. Les participants font remarquer que souvent, bien malheureusement, les délais impartis par les institutions publiques ralentissent l’accès au financement privé.
La mise en valeur du virage numérique (par exemple, via le Plan culturel numérique du Québec) pourrait offrir des nouvelles sources de financement, puisqu’il encourage le croisement des entreprises culturelles (danse, théâtre, livre, etc.). Ce serait une opportunité de bénéficier de financements disponibles pour d’autres secteurs culturels.
Chercher le financement de la part des fondations, qu’elles soient culturelles ou technologiques, est un axe intéressant, tout comme aller chercher du partenariat avec d’autres types d’entreprises: les centres d’achat, les aéroports, etc. À noter que, pour ce type de partenariat, l’accent serait peut-être plutôt misé sur les oeuvres commerciales ? L’idée reste à creuser…
DIFFUSION & DISTRIBUTION
La diffusion et la distribution sont envisageables dès l’étape même de construction du projet. Les collaborations possibles avec les entreprises ontariennes ou françaises permettent certainement d’explorer d’autres avenues, utilisant des canaux ou des moyens différents que ceux que nous connaissons au Québec.
Il est mentionné que certaines expériences présentées dans des centres d’achats, des musées d’art, d’histoire, de sciences, seraient une possibilité supplémentaire, à l’image de la boîte de production Atlas V, qui distribuera ses expériences dans le VR bar de New York et à la Galerie Cinéma de Paris (voir cet article de Variety – en anglais). En effet, la réalité virtuelle intègre de plus en plus les lieux publics – aéroports, centres spécialisés comme le National Geographic Center de Washington. L’avantage de travailler en collaboration avec ces centres, c’est qu’ils se connaissent et collaborent déjà (par exemple, les musées de sciences naturelles sont déjà connectés avec les autres musées de sciences naturelles, etc).
Ce modèle pourrait-il inspirer d’autres créateurs québécois, ou même des groupements de producteurs pour distribuer les créations ensemble ? Au moment où quelques entreprises seulement se lancent dans la distribution (Diversion en France, CityLights), il y a encore des possibilités pour un nouveau réseau de distribution.
QUÉBEC/CANADA XR et développement
Les comités de pilotage et industrie vont poursuivre les discussions et Xn Québec, porteur du projet Québec/Canada XR, proposera un plan d’intervention auprès des bailleurs de fonds, afin de faire entendre la voix des créateurs au regard de leurs réalités de production, de financement et de distribution.
L’idée de créer un catalogue – à l’image de celui d’Uni France – exposant les meilleures oeuvres québécoises dans la XR a été soulevée. Il faut désormais déterminer les modalités d’action à ce sujet: pourrait-il être à destination des festivals, musées et dômes internationaux ? Québec/Canada XR se penchera sur la question pour ses prochaines actions.
Enfin, Québec/Canada XR, dans le cadre de son mandat de veille, continuera à diffuser les informations pertinentes pour le milieu, et notamment concernant les programmes d’aides existant dans la francophonie.